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Economie Corse
lundi 9 octobre 2023
La Corse soulève beaucoup d’incompréhension comme de crispations, aussi nous a t’il semblé indispensable , avant de lacer les chaussures, d’en rappeler certains éléments.
La plupart de ces informations ont été puisées dans l’atlas de la Corse contemporaine publié chez Actes Sud en février 2023.
Contrairement à ce que beaucoup croient la Corse n’est pas un pays de cocagne, c’est une société paupérisée. Plus de 18 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté, alors que la moyenne nationale est de 14 %.
Le taux de pauvreté des familles monoparentales, principalement féminines, n’est pas meilleur et les taux des moins de 30 ans atteint 23 % et celui des plus de 75 ans est de 17 %, le plus mauvais des taux en France.
Et cette pauvreté touche les trois principales villes, Ajaccio, Bastia, et Porto Vecchio, alors que le monde rural qui compte la moitié de la population insulaire, est globalement sacrifié.
A cette pauvreté s’en ajoute une autre, culturelle. La Corse se classe par exemple au 1er rang national pour les IVG de mineures de 15 à 17 ans avec un taux de 9,6 pour mille, loin devant la région Sud avec 7,7 pour mille, et 6,6 pour mille en Occitanie, alors que la moyenne nationale est de l’ordre de 5,4 pour mille.
Il n’y a pas de richesse sans qu’à l’autre bout il n’y ait des richesses.
Ainsi entre 2002 et 2010 le nombre de personnes s’acquittant de l’I S F (impôt de solidarité sur la fortune) s’est accru de 150 % à Ajaccio et 139 % à Bastia.
En 2017 les revenus des 10 % des personnes les plus riches représentent 3,8 fois ceux des 10 % des insulaires les plus pauvres. Un écart qui n’est que de 3,5 en moyenne nationale et écart encore plus fort dans certaines villes comme Porto Vecchio (4,2) ou Ile-Rousse (3,9). Aujourd’hui la Corse figure en 4ème position pour les régions où le montant moyen acquitté pour l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) est le plus élevé. Elle est aussi en tête pour la possession d’un véhicule de luxe.
A cela il convient d’ajouter le vieillissement de la population dont les revenus sont faibles, pour la plupart d’entre elle, et notamment pour les femmes.
Et ces raisons ne sont pas uniquement insulaires.
Car les inégalités résultent aussi du choix de certaines communes qui s’appuient sur le tourisme comme mode de croissance. Car, si le tourisme est un facteur indéniable de développement en contribuant à l’amélioration et à la qualification de certains personnels, comme à la diversification, il n’est pas garant d’une amélioration pour tous, car il s’appuie sur une armée de réserve de personnels peu qualifiés et mal payés. Et surtout il génère des coût d’équipement supportés par tous (parking, école, station d’épuration, adduction eau, etc.) qui ne profitent qu’à une certaine catégorie, celle des commerçants.
En Corse, les salariés sans diplôme sont plus nombreux qu’ailleurs 25 % contre 18 % pour la moyenne des régions. L’importance du secteur du bâtiment, lié au tourisme, pèse sur le faible taux de diplômés, sans contribuer au besoin de logement de la jeune population, en l’aggravant tout au contraire car elle se heurte en plus au développement du Airbnb, développement stimulé par une forte inflation et des fins de mois difficiles pour tous, y compris les propriétaires...
La carence dans la poursuite d’un réel plan insulaire de développement et d’aménagement du territoire a eu une autre conséquence négative : l’accélération inconsidérée de la construction de résidences secondaires due à la vente de terrains familiaux pour insuffisance de revenus (la paupérisation de l’île), a généré des difficultés de logement, et plus particulièrement dans les zones touristiques. Les résidences secondaires représentent 36,8 % du parc immobilier( 8,9 % au niveau national) mais dépassent les 50 % voire les 70 % dans certaines communes.
A l’inverse, avec 411 logements sociaux pour dix mille habitants, contre 739 en moyenne nationale, l’île est l’une des régions les moins pourvues, alors qu’elle connaît la plus forte superficie de centres commerciaux de l’hexagone. Comme quoi le sur-tourisme conduit à une impasse. A cela ajoutons des produits alimentaires plus chers que sur le continent et des salaires parmi les plus faibles...
Face à un avenir plus fermé que sur le continent comment s’étonner que la jeunesse se crispe et se révolte ?
L’hexagone qui a connu émeutes et manifestations en réaction au coùt de la vie , à l’inflation, est il mieux loti et moins bien placé pour juger de la situation en Corse ?
Messages
1. Economie Corse, 10 octobre 2023, 13:14, par Madeleine
Si l’île aujourd’hui est paupérisée, il n’en a pas toujours été ainsi. Nombre de corses sont partis dans les colonies, ou ont fait carrière dans la fonction publique et à ce titre ont dû quitter leur île. La France leur doit une part de ce qu’elle est aujourd’hui. Inutile de remonter à Napoléon...
Bien à vous
2. Economie Corse, 10 octobre 2023, 16:07, par Pierrette
La Corse souffre de n’avoir pas connu de planification continue, maitrisée, et régionale dans son développement, laissant la main aux communes et sous la pression de leurs administrés. D’un autre coté la paupérisation de l’île a obligé beaucoup de corses à se séparer de terrains abandonnés, plus cultivés, à les vendre, car avec 39 habitants au kilomètre carré, la Corse qui a la plus faible densité démographique du bassin méditerranéen conjuguée à une grande diversité des paysages ne pouvait qu’attirer les touristes. Au détriment des corses eux mêmes...
Ce dont la Corse a besoin c’est d’un tourisme maitrisé, ordonné et non d’un sur-tourisme qui grève les loyers - quand on en trouve - et les prix des logements. La politique de la France n’a rien compris, ni rien anticipé, trop éloignée des réalités du terrain. Et s’étonne même des réactions qu’elle a suscitées...
3. Economie Corse, 24 octobre 2023, 13:33, par Pierre
Vu du continent on ne voit de la Corse qu’une jeunesse nationaliste se promenant la nuit et se délestant de quelques plasticages…
Alors, certes, la progression des nationalistes a été foudroyante, mais les élections municipales montrent que le nationalisme n’est pas hégémonique.
Sur les 50 communes comportant le plus d’électeurs, 8 seulement sont dirigées par des maires nationalistes.
Quant aux intercommunalités, les nationalistes dirigent 1 des 2 communes d’agglomération et 4 communautés de communes sur 17…
Une situation qui ne se traduit pas par une forte conflictualité, car souvent les équipes intègrent à leur liste des personnalités issues de la droite comme de la gauche. Pour dire plus simplement, la Corse ne connaît pas blocages et invectives tels que les connaît Paris et son Parlement… L’absence d’un 49.3 corse en serait elle la cause ?….
4. Economie Corse, 30 octobre 2023, 07:12, par Pierre Jacques
Effectivement le tourisme ne profite qu’à certains, les commerçants, d’abord et principalement, et ensuite tous les clans mafieux qui n’ont su exploiter d’autres modes d’existence.
5. Economie Corse, 2 novembre 2023, 12:40, par Jerome
Les données nationales indiquent pourtant que les classes les plus aisées possèdent plus de la moitié des passoires du parc locatif privé .
"Les vrais intérêts froissés par l’interdiction de location des passoires énergétiques ne sont pas ceux des classes populaires, mais ceux des propriétaires bailleurs. Or, ces derniers ne sont généralement pas à plaindre. Les deux déciles supérieurs des revenus possèdent plus de la moitié des passoires du parc locatif privé.
A l’inverse, seulement 7 % des passoires énergétiques en location appartiennent aux deux déciles inférieurs."
Source Le Monde du 2 nov 2023
6. Economie Corse, 18 novembre 2023, 14:25, par Antoine
Il y eut dans le sartenais par exemple, dans les années 1970, au col de Roccapina, un panneau publicitaire annonçant " Ici prochainement 10 000 résidences", et une piste fut mise en chantier à partir de la plage de Roccapina... Le schéma d’aménagement de la Corse, établi sans tenir compte de l’indispensable emboitement de toute une série de secteurs ne contribua pas à changer l’île mais tout au contraire la figea. Déjà, JM Arrihi et O jehasse dans leur "Histoire de la Corse" avaient noté que par exemple la Sté Fininco avait acheté dans les années 1960 un millier d’hectares dans la région de Figari et envisagé des constructions d’une capacité de 100 000 lits !... Les terrains du bord de mer ont été vendus à des prix dérisoires à des personnes souvent âgées et paupérisées. Cela - comme d’autres domaines - a contribué à couper les habitants d’un espace qu’ils ressentaient comme leur....
7. Economie Corse, 21 novembre 2023, 14:06, par Gérard
Que des agriculteurs âgés n’aient d’autres ressources que de vendre leurs terres n’est ni nouveau ni exceptionnel.
Le drame c’est quand ces propriétés tombent entre les mains de grands domaines ayant déjà privatisé les bords de mer que longent leurs parcelles . Grands domaines dont l’activité première se cache derrière l’agriculture mais qui développent surtout un tourisme élitaire. Il est regrettable qu’à ce sujet le Conservatoire du littoral ne se porte pas acquéreur des dits terrains. C’est à croire que la SAFER ne les informe pas. D’autant plus regrettable que les barrages ont été conçus pour l’agriculture et non pour être détourné au profit d’un tourisme qui exclut les corses, en les écartant du bord de mer....
8. Economie Corse, 26 novembre 2023, 08:53, par Paul Ovighi
Certes, Jérome, si les plus riches diversifient leur fortune dans l’immobilier, n’oublions pas que les déciles les plus bas ont aussi, parfois, hérités ou fait l’acquisition d’un logement pour compléter une maigre retraite, et que les nouvelles normes de location les obligent à ne pas mettre en location des passoires thermiques mais y faire des travaux onéreux, que beaucoup ne peuvent réaliser….Donc ne généralisons pas trop vite...
Merci.