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Nos assises méditerranéennes
dimanche 31 mars 2019
J’ai coutume de dire qu’en matière de géologie, la Provence c’est simple....
Un peu du contre-coup pyrénéo-alpin qui donne une direction Est-Ouest à nos massifs : Ste Baume, Bessillon, Barre de Cuers, Pradels, Calanques, Nerthe, Luberon, Ventoux, Lure, etc.... une faille de même direction qui court d’ Aix à Nice en passant par Le Luc et Le Muy, deux massifs anciens, l’Esterel et les Maures, bordés de dépressions afférentes, et quelques giclées de lave pétrifiée.
Du calcaire, du métamorphique, de l’éruptif...rien qui ne puisse surprendre un méditerranéen !
La Méditerranée, ce berceau de cultures, est née en effet des amours tumultueuses entre une plaque tectonique africaine et une plaque tectonique européenne.
Auparavant une grande intimité nous unissait, une grande mer nous baignait. Elle a déposé, à l’ère secondaire, ces épaisses séries calcaires blancs, aujourd’hui émergées. L’homme et le climat ont fait disparaître une grande part des forêts qui les recouvraient. Languedoc, Provence, Apennins, Balkans, Grèce, Turquie, Algérie laissent à vif aujourd’hui ce calcaire lumineux, aveuglant même sous le soleil, qui marque le paysage typique de nos garrigues.
Puis, plus récemment, cette intimité profondément enracinée devint tiraillements, retrouvailles, étreintes : le télescopage des deux plaques fit surgir les Alpes, en affectant tout le pourtour méditerranéen. Elle détacha Corse, Sardaigne, Minorque du continent et fit de nos rivages ces chaînons montagneux, souvent escarpés, tombant dans la mer (Pyrénées Orientales, Côte d’Azur, Corse, Calabre, Péloponnèse, Crète, Algérie, sud-est espagnol).
Et ce n’est pas fini. Les Alpes s’élèvent toujours, le Mercantour s’enfonce toujours, l’activité sismique se perpétue sur les failles actives provoquant tsunami, comme à Messine en 1908, séisme comme en Provence en 1909, à El Asnam en Algérie en 1980, ou, ces dernières années, en Grèce, en Turquie, en Italie ...
Les volcans du Languedoc (Cap d’Agde) ou de Provence (coulée d’Ollioules) sont les manifestations passées de ces mouvements tectoniques qui rougissent l’Etna ou le Stromboli, lézardent les habitations en Ubaye, élargissent les failles d’El Asnam.
La crise messinienne qui suivit, il y a environ 2 millions d’années, assécha la Méditerranée, créa d’immenses dépôts de sel, qui aujourd’hui excitent la convoitise des sociétés pétrolières ( car ils sont susceptibles de recouvrir des hydro-carbures...) Cet assèchement, en augmentant le dénivelé des cours d’eau, accéléra l’enfoncement du lit des fleuves et de leurs affluents. Ainsi sont nées les Gorges de Régalon, extraordinaire canyon, souvent obscur, dont l’étroitesse n’autorise par endroit que le passage d’une seule personne, les gorges du Verdon, la vallée de la Durance, etc, etc...
A la réouverture du détroit de Gibraltar, la mer repris possession de la cuvette méditerranéenne asséchée, et remonta jusqu’aux portes de Lyon. Les gorges de Régalon formaient alors une calanque, comme l’atteste les sables marins retrouvés.
Des forêts exubérantes, aujourd’hui disparues, peuplaient alors les pays méditerranéens : elles ont disparu, sauf dans des sites d’exception où la fraîcheur de l’ombrage de gorges, de reliefs, de falaises et leur humidité ont permis cette conservation d’un témoin paysager d’une grande rareté, avec même subsistance par endroits de plantes glaciaires.
Voilà notre histoire mouvementée en peu de mots. Et là je n’ai rien dit des mouvements multiples de populations multiples à travers ce bassin. Toutes les îles portent la trace du passage, dès le paléolithique, de ces populations qui ont façonné ce que nous sommes, un copieux mélange hybride, qui aujourd’hui doit faire face à un même défi : lutter contre le réchauffement anthropique de la planète et la pollution également anthropique de la Méditerranée.
Bonnes randos.