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Cela faisait trois jours
vendredi 29 mars 2019
Cela faisait trois jours que le mistral soufflait....
La température s’en ressentait, l’air avait retrouvé ce piquant qui rend le marcheur heureux.
En moins de deux, les sacs bouclés, nous nous sommes retrouvés au col de Sormiou. La mer était bleu outremer, l’écume rageuse, il ne fallait pas l’approcher.
Nous avons suivi le GR, en laissant à main droite le plateau de l’Homme Mort, le vent devait y tordre tout ce qui avait prétention à se tenir droit. Nous avons plongé au pied des falaises, le long des vires. A l’abri du mistral, au grand soleil, il faisait chaud.
Nous étions sur l’ancien chemin muletier qui de Mazargues rejoint la calanque de Marseilleveyre. Murets et contreforts le bordent encore à maints endroits.
Nos sentiers de randonnées empruntent presque toujours les anciens chemins entre vallées, entre villages, passages de contrebande pour éviter l’impôt, chemins de colporteurs, de transhumants, migrants, mais aussi sentiers de douaniers, pêcheurs, bergers, agriculteurs, carriers, chaufourniers, gemmeurs, charbonniers, cueilleurs d’asperges, enguentiers, chasseurs… Nous mettons souvent nos pas dans ceux de nos anciens…
Au bas de la rampe, avant d’atteindre la calanque du Podestat, nous avons abandonné le GR et, au ras des flots, obliqué vers l’Est. Nous avons gravi la strate plongeante et rejoint à mi falaise la vire horizontale qui surplombe la calanque de l’Escu, là où se cache la citerne qui permettait aux gardiens de la vigie de Riou de s’approvisionner en eau. Cette vigie est citée dès 1295, la France et l’Aragon venait de terminer leur guerre...
Entre ciel et flots, ce sentier fléché en vert est l’un des plus beaux des calanques. Mais il faut le parcourir par mistral, quand le vent chasse au large les miasmes qui remontent de la calanque de Cortiou où débouchent les égouts de Marseille…
Les pins sont hauts, les falaises blanches, les grottes nombreuses à leurs pieds, et l’îlot de la Mélette est bien solitaire en ces lieux. Au loin, dans un ciel nettoyé par le mistral, se distinguent nettement le Bec de l’Aigle, la Vigie du cap Canaille et plus loin, le cap Sicié et l’antenne de l’émetteur, les îles des Embiez, la colline de Six Fours…
Le sentier remonte alors la crête de Cortiou, et ferme la boucle en retrouvant au col la piste empruntée à l’aller.
Ces grottes, au pied des falaises, étaient nos bivouacs, nos campements de week end. Nous déroulions un tapis de sol et nos duvets. L’odeur de résine chauffée à l’aube par le soleil levant, le pépiement des oiseaux, la pulsation cardiaque du ressac, d’une splendeur totale, soulignaient le silence ennivrant de ces abris hors du temps. Le jour se levait, les rayons jouaient à travers les épinoches et s’accrochaient à nos paupières.
Et puis le Parc des calanques s’est créé. Altéo déverse toujours ses boues rouges dans la fosse de la Cassidaigne, Marseille ses égouts à Cortiou, et les bivouacs sous la lune sont maintenant interdits dans les calanques...
Le progrès en somme ?
Bonnes randos