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Les parcs nationaux français en crise d’identité

mardi 22 octobre 2019

Déjà en novembre 2012 le journal Le Monde, sous la plume de Sophie Landrin, nous alertait sur la crise que connaissait les parcs nationaux.

" La décision du conseil d’administration du parc national des Cévennes, le 18 octobre 2012, de demander l’éradication du loup sur ce territoire avait sonné comme une ultime alerte.

"Alors qu’ils s’apprêtent à fêter leur cinquantenaire, les dix parcs nationaux français, fleurons de la préservation de la faune et de la flore, vivent une crise identitaire. Les syndicats appellent les personnels à une journée de grève, jeudi 15 novembre, et à se retrouver à Florac, dans les Cévennes.

"Du parc de la Vanoise, le plus ancien, à celui des Calanques, le plus récent, en passant par le Mercantour, les agents s’alarment des risques d’érosion ou de banalisation de ces espaces protégés et de la diminution de leurs effectifs.

"La colère des agents des parcs nationaux a commencé à gronder voilà deux ans, lors de la mise en œuvre de la loi de 2006 réformant le modèle des parcs nationaux imaginé en 1960. A l’origine, les parcs n’étaient constitués que d’une zone centrale, un espace naturel à caractère exceptionnel, dépourvu d’habitations et d’activité économique, géré par un établissement public.

"Aux abords de ce "cœur", le législateur, pour maintenir les populations locales, avait identifié des "zones périphériques", sous la responsabilité des préfets, devant bénéficier d’actions de revitalisation économique. Dans les faits, ces zones périphériques n’ont pas suffisamment été mises en valeur.

"VIEILLES RANCŒURS ET FRUSTRATIONS"

"Poussée par les élus locaux, la ministre de l’environnement de l’époque, Nelly Olin, avait souhaité, en 2006, modifier la gouvernance des parcs en renforçant la représentation des collectivités locales dans les conseils d’administration et en les impliquant davantage dans le développement durable. Les parcs nationaux incluent désormais des "aires d’adhésion", réunissant les communes qui acceptent de s’engager dans une charte fixant les règles de développement.

"Concrètement, les communes sont devenues majoritaires dans les conseils d’administration des parcs. La réforme, censée renouer le lien avec les populations qui avaient pu se sentir dépossédées de leur territoire, a au contraire ravivé les tensions. Cet été, dans le Mercantour, plusieurs incidents graves ont opposé riverains et agents du parc. Partout, la négociation des chartes donne lieu à des pressions et à des marchandages visant à assouplir les règles contraignantes dans les zones protégées.

"La loi a fait ressortir les vieilles rancœurs, les frustrations. Les élus locaux se considèrent comme souverains et décisionnaires pour alléger la réglementation des espaces protégés", estime Bernard Ricau, l’un des agents du parc des Cévennes et membre du Syndicat national de l’environnement (SNE).

"Dans les Cévennes, où le droit à la cueillette a déjà été considérablement assoupli, des municipalités réclament de pouvoir emprunter des pistes jusque-là interdites à la circulation. Dans la Vanoise, c’est une bataille pour l’aménagement de nouveaux domaines skiables qui se joue. Dans le Mercantour des sociétés de chasse sont en passe de récupérer des territoires. Ailleurs, des associations de vol libre espèrent obtenir le droit de survoler les espaces protégés, alors que la réglementation prohibe en principe le survol à une altitude inférieure à 1 000 mètres.

"ON ENTERRE LES FONDEMENTS HISTORIQUES"

"Dans chaque parc, nous ressentons des pressions pour plus de souplesse, moins de réglementations. Pour faire signer leur charte, les parcs expliquent aux élus que tout est négociable", s’indigne Etienne Ferrand, responsable de la branche "espaces protégés" du SNE.

"La réforme, qui a accru les missions des agents, risque de s’accompagner d’une réduction d’effectifs. Selon les syndicats, entre 2011 et 2013, "les neuf parcs nationaux existants auront perdu 7 % de leur personnel et les postes supprimés serviront à créer le parc national des Calanques. D’ici à 2015, plus de 10 % du personnel aura disparu".

"Dans la plupart des parcs, les projets de réorganisation prévoient de diminuer drastiquement le nombre de gardes moniteurs, ces fonctionnaires de terrain spécialistes de l’environnement, et d’augmenter le personnel vacataire, compétent sur d’autres métiers comme l’eau, la sylviculture, l’animation, la pédagogie. "On enterre les fondements historiques des parcs nationaux en réorientant les missions vers l’accompagnement d’actions de développement du territoire", souligne le Syndicat national de l’environnement. Vendredi 9 novembre, les personnels du parc des Cévennes ont écrit à la ministre de l’écologie, Delphine Batho, pour dénoncer le désengagement de l’Etat : "Il n’est pas acceptable que l’Etat ne contrebalance plus suffisamment les positions clientélistes et individuelles que les politiques portent fort dans les débats", écrivent-ils. En 2011, ils avaient déjà alerté Nathalie Kosciusko-Morizet, puis en mai, Nicole Bricq. En vain."

Article de Sophie Landrin, paru dans Le Monde du 14.11.2012


60 000 kilomètres carrés de nature

PARCS NATIONAUX
La France compte dix parcs nationaux, totalisant plus de 60 000 km2, soit 9,5% du territoire. Les premiers – ceux de la Vanoise et de Port-Cros – ont été créés en 1963. Le plus récent, celui des Calanques, vient d’ouvrir. Trois parcs existent outre-mer, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion. Ces espaces naturels attirent chaque année 7 millions de visiteurs.

PARCS NATURELS RÉGIONAUX
Institués en 1967, les parcs naturels régionaux (PNR) sont des espaces ruraux habités, régis par une charte entre les communes et la région autour d’un projet de développement durable. Les 48 PNR totalisent 78000 km2. Le gouvernement souhaite porter de 14% à 20% d’ici à 2020 le territoire couvert par des PNR.