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Dernières nuits du gardien de refuge

dimanche 13 octobre 2019

L’eau a la transparence du ciel, elle est d’une fraîcheur exquise au plein soleil. Si elle est tiède le soir, la brise de mer qui souffle en fin de journée donne la chair de poule quand on sort du bain. Ces frissons là sont délicieux.
Je m’étend alors sur la chaise longue, près du petit bassin en bordure du ruisseau, dos au soleil et à la brise, et goûte ces instants de froidure surprenante, le poil hérissé, la peau frissonnante.

Yeux fermés je lâche prise, et je sens mon corps, tous les muscles, se détendre.
Faut il être sage pour découvrir ces plaisirs simples ?

A 6h le matin, la fraîcheur est là...
Je déjeune face à la mer seul dans cet immense monde
Le soir je prends la douche, dehors, sous la fenêtre de la cuisine, alors que les geais poussent leurs cris et sautent de branches en branches
J’entends le bruissement des feuillages quand souffle le vent, et le ressac lourd et lent monter de la mer quand le vent s’estompe après plusieurs jours de virulence.
Je contemple les feuilles vernissées des arbres jouer de mille éclats avec le soleil, l’herbe jaunie, sèche comme un paillasson au plein de l’été.
J’aime ce calme

Dormir face aux étoiles, fenêtres et volets grand ouverts sur le ciel et les arbres, voir leurs ombres se découper plus ou moins nettement selon la lune, les étoiles s’accrocher puis glisser à leurs branches, sentir l’odeur de paille sèche que la fraîcheur de la nuit rabat dans la chambre, écouter le silence, ces milles bruits de la nature inaudibles dans la journée mais aussi percevoir le grondement sourd de la machinerie d’un bateau passant au large, et s’interroger sur sa destination, partir avec lui...
A dormir volets ouverts, on ne reste longtemps dans son lit....

Aussi dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, écrivait Hugo, je saute du lit, avale un café, et chausse mes groles... c’est l’appel de l’air frais, de l’immobilité, avant le réveil des oiseaux, avant les premiers aboiements.
C’est l’heure légère, où tout est possible, tout est commencement.
C’est l’heure pleine, celle à soi, pour soi, face au ciel qui blanchit...
Elle a d’autant plus de saveur et de valeur cette heure qu’elle va se dissiper, que le départ est proche.
L’air ne circulera plus autour de moi entre les troncs, sous le feuillage des arbres, il ne soulèvera plus les poils de mes bras, n’agitera plus ma chevelure, n’amènera plus l’odeur des immortelles à mes narines, il n’en restera que le souvenir.
Le grand silence qui m’entoure sera saturé de bruits tellement nombreux qu’ils formeront un fond uniforme, monocorde, que mon cerveau ne percevra plus....
Je serai rentré.